Prisonniers, et combattants de guerre 1940 - 1945
1940
Le 15 mai le village reçut l'ordre d'évacuation du gouverneur provincial, en effet, les Allemands avaient déjà atteint Soignies. Après le départ des derniers villageois, régiments de fantassins en uniformes verts aux casques grossiers suivis de camions, défilèrent interminablement.
Le 25 mai les évacués commencèrent à réintégrer leur village les Allemands les invitant à rentrer chez eux. Quel désastre se présentait à leurs yeux : maisons pillées, jardins dévastés, étables vides, caves dégarnies...
Quelques habitants purent recouvrer leur propriété et leur bétail. Les semaines suivantes virent la mise en activité du ravitaillement en denrées alimentaires. Quelques hommes (l'abbé Delépine et Monsieur Maurice Dumont) se dévouèrent pour leurs concitoyens. On rationna les vivres (une fois par mois, une distribution de timbres avait lieu). En août, l'employée communale du ravitaillement (Bertha Legrand) s'occupa de ce service. Chacun recevait mensuellement une feuille de timbres de ravitaillement qui donnait droit à : 250 grammes de beurre, 1dl d'huile...
Les vieillards, les malades, les femmes enceintes bénéficiaient d'une quantité supérieure et recevaient pour ce fait "des timbres noirs".
En septembre, la commune fut fortement éprouvée, la plupart des soldats mobilisés en mai venaient de travail en Allemagne.
En septembre, les nôtres établirent un champ d'aviation sur le territoire de Neufmaison, Sirault et Herchies. Les fossés furent comblés, les récoltes furent coupées pour permettre l'atterrissage d'avions.
Un seul avion français y a atterri pour se ravitailler en essence.
Durant l'occupation, les Allemands ont dédaigné cette plaine et choisirent Chièvres qui existe encore en tant que champs d'aviation militaire. Déjà au mois de septembre, on effectua une réquisition d'une centaine d'hommes pour mettre en activité le champ de Chièvres.
1941
Le régiment qui avait envahi le petit village, prenait pour ainsi dire un court repos chez nous avant de partir pour le front russe. L'occupation ne dure que l'espace d'une semaine. Les soldats logeaient chez l'habitant.
Le magasin du fourrier était établi chez Georges Chevalier. La cuisine se trouvait chez Marie Legrand, l'école gardienne abritait les corps des métiers. Les commandants séjournaient chez Descornet Julien.
Les Allemands obligèrent les villageois à camoufler les fenêtres et les portes afin d'éviter et d'attirer l'attention des avions alliés et pour écarter toute espèce de signalisation. Dans les vergers, dans les bosquets étaient dissimulés de nombreux camions.
Cette seconde année de guerre vit les premiers contrôles de ravitaillement, ceux-ci avaient lieu aux endroits de distribution. Les employés du chemin de fer et des services publics furent engagés à cet usage.
Le Ministère du ravitaillement nommait deux contrôleurs par village.
Les premiers : Jules Leleux et Delière Ernest exerçaient le contrôle sur Neufmaison et Sirault.
1942
La vie continuait morose et l'atmosphère était lourde de rancune contre les affichages de la "Werbestelle" et du "Feld Kommandatuur" et les nouvelles réquisitions de viande dans les fermes.
Jusque-là, nous avions échappé à ces réquisitionnements, un malentendu entre les noms de notre commune Neufmaison et de la commune voisine Vaudignies-Neufmaison eut la conséquence suivante: "Vaudignies-Neufmaison écopa pour tous".
Les jeunes gens furent recherchés pour le travail en Allemagne. Léopold Nisole et Oscar Procureur s'engagèrent comme "volontaires forcés". Le premier revint 3 ou 4 mois plus tard et devint réfractaire. Le second périt lors d'un bombardement en Allemagne.
Les S.S. se saisirent à cette date de Julien Carton, son fils Albert ne s'étant pas présenté à l'appel allemand. Vu son grand âge, on le renvoya quelques semaines plus tard. Les vols de pommes de terre, de bétail se succédaient. Certains cultivateurs abattirent leurs bêtes en fraude, soit pour la consommation personnelle ou la vente, soit pour la population. A ces timides délits succéda le marché noir.
Les Borains vinrent quêter dans les fermes et s'approvisionner en beurre, en farine, en viande, en pommes de terre, en choux, en oeufs, en fromage...
Certains venaient glaner sur les champs, ils coupaient des épis et causaient un gaspillage de cette précieuse denrée. Pour se prémunir contre les vols et empêcher la perte de produits, les fermiers, de commun accord avec les autorités organisèrent une garde rurale. En outre, les Borains furent souvent traqués par les contrôleurs qui leur confisquaient leurs précieux colis.
A la fin de l'année, "l'Armée Blanche" réussit un sabotage du chemin de fer, le train qui emportait des ouvriers belges vers leur lieu de travail dérailla dans les bois de Neufmaison.
Pour réagir contre l'angoisse, contre le désespoir et pour adoucir le séjour des prisonniers en Allemagne, Ernest Masure et Odon Rasseneur mirent sur pied une pièce de théâtre 'Papillon" de Depas.
Après la représentation, un hymne patriotique fut chanté par les spectateurs aux visages amaigris mais aux coeurs non résignés.
Robert Chevalier mit encore une livre de graisse à frites aux enchères. Elle a été évaluée à 2400 fr. Chaque personne qui majorait la denrée donnait la somme qu'il venait d'accepter. Maurice Haublin fut le gagnant privilégié du paquet de graisse. La somme fut partagée et envoyée en nature aux prisonniers en Allemagne.
1943
Les villageois paraissaient résignés mais le calme des visages n'était qu'apparent. Chacun méditait contre l'ennemi. En 1943, un second déraillement entre Sirault et Neufmaison vint contrecarrer les plans allemands. Il causa un retard important à l'arrivée du train de marchandises, destinées aux Allemands, partant de Ath vers Saint-Ghislain. Ce déraillement fit cinq victimes.
En 1943, par une nuit d'été, une forte détonation déchira le lourd silence sur le champ du moulin. Un avion anglais s'était écrasé en flammes. L'équipage, composé de 5 personnes fut tué. Ils furent enterrés au cimetière de Chièvres
Un avion anglais, sans doute D.C.A., lâcha une quantité de bombes au-dessus du calvaire. Il y eut un mouvement de panique, le village trembla... mais aucune victime. Cet avion avait été touché et devait absolument atterrir. Mais avant, il se débarrassa de son dangereux chargement.
Cette année, le collège échevinal constata qu'un seul garde-champêtre était incapable de maintenir l'ordre seul. On fit appel à un agent de police auxiliaire Robert Chevalier qui remplit les fonctions jusqu'en avril 1945.
Ce fut en 1943 aussi qu'un S.S. James D. de Mévergnies réquisitionna les jeunes filles et jeunes dames pour partir en Allemagne. Son projet fut évincé, le registre de population fut modifié. La nouvelle de ce nouveau réquisitionnement obligea les jeunes gens réfractaires à chercher abri pour échapper aux recherches allemandes.
1944
Le pont du chemin de fer de Tertre ayant été détruit, un train de matériaux venant d'Allemagne en vue de réparer ce pont dérailla entre Neufmaison et Vaudignies.
En juin, l'autorité occupante donna l'ordre de couper les moissons sur la plaine, qui en 1940, avait été un bref moment une piste de secours pour le champ d'aviation. La résistance sabota l'entreprise en n'effectuant pas le comblement des fossés.
Le 15 juillet 1944, le secrétaire communal Jules Mahieu fut assassiné à la maison communale. L'enterrement eut lieu le lendemain après-midi. La préposée au service du ravitaillement, Bertha Legrand, exerça les fonctions de secrétaire communal. La circulation des trains avait déjà été troublée elle le fut de nouveau en 1944. Les Allemands la détournèrent en vue de transporter le charbon sur la ligne 100. Ces trains furent pillés par la population car le précieux combustible était destiné à l'occupant.
Les réquisitions qui s'ensuivirent n'aboutirent à aucun résultat. Nos villageois continuèrent à berner les Allemands. Devant les sabotages sans cesse renouvelés, l'autorité occupante obligea le bourgmestre à désigner des gardes pour organiser des rondes le long du chemin de fer. Celles-ci étaient effectuées mais de commun accord avec la résistance. Le 1er septembre 1944, l'armée secrète reçut le message suivant à la radio de Londres "Le bouvreuil est un animal" durant l'émission de 7 heures 15.
Ce message annonçait un parachutage d'armes au lieu-dit "Canard" à Herchies.
A 9 heures 15, une autre communication de la radio "Le bouvreuil n'est pas un animal" démenti le message précédent. Vu l'avance rapide des troupes américaines, la BBC donna l'ordre de soustraire du matériel aux Allemands. Le lendemain, toute la troupe était armée de fusils pris à l'occupant.
Le premier fusil fut remis au groupe de Neufmaison par un résistant de Sirault, Raymond Liénard, qui fut abattu par l'ennemi le jour suivant.
Le 2 septembre 1944, les troupes de la résistance libérèrent le territoire du joug ennemi et le 4 septembre, alors que les Allemands venaient seulement de repasser, les Américains arrivèrent dans la commune.
A la vue des alliés, une joie délirante éclata, les acclamations fusaient de toutes parts, tout le village les accueillit, la population jubilait, on fleurit même les Américains avant leur départ. Leur passage une traînée de joie derrière eux.
Après septembre, on installa un camp de prisonniers à Erbisoeul. Cyrille Balaince, à cette époque Major, le dirigeait. Toute personne qui avait besoin d'un ouvrier pouvait en faire la demande.
1945
Le 10 avril 1945, lorsque nous venions d'être libérés, un officier Polonais Alois Kochisky fut trouvé mort. Résidant dans le corridor de Danzig, territoire libre (neutre en 1919 jusqu'au 1er septembre 1939, date de son rattachement au Reich), il fut incorporé de force dans l'armée allemande fait prisonnier à Erbisoeul, il séjournait chez Amory Liénard.
Profitant de la débâcle en 1944 pour se sauver, Kochisky rejoignit la Résistance belge. Celle-ci lui rendit donc les derniers hommages.
Tout d'abord, certains bruits coururent au sujet de sa mort subite. On crut qu'il avait été empoisonné avec de l'alcool méthylique lors d'une visite chez des amis. Une autopsie eu lieu, quelques jours après l'enterrement. Celle-ci mit à jour la "cause de sa mort" la crise cardiaque. Le médecin légiste s'exclama "Quel petit moteur dans une grande carcasse".
La fin approchait à grands pas et septembre 1945 fut bientôt là.
Les vieux drapeaux pâlis sortirent de leurs abris, ou même on s'empressa d'en acheter des neufs. Enfin, toute la commune fut pavoisée de drapeaux.
Le dimanche suivant, on brûla un mannequin en uniforme Allemand sur la place.
Un bal populaire fut organisé l'après-midi, et le soir, les farandoles se continuèrent jusqu'à la salle des fêtes. Toute la nuit, on fredonna des chansons comme celle-ci :
Ils sont foutus
On ne les verra plus
Les fridolains sont retournés à Berlin
Ils ne reviendront plus
Ils ont eu le pied au cul!
Les villageois ne s'arrêtèrent pas de sitôt, la joie débordait encore. L’instituteur, Monsieur Mathieu, constitua un cortège représentant l'évacuation. Il fit le tour du village, revenus sur la place, les villageois se mirent à danser de plus belle.
Soldats de Neufmaison revenus de captivité
Joseph Amaury, Marcel Cloquette, Marcel Loiselet, Valère Godrie, Gaston Pottiez, Georges Martin, Albert Carton, Victor Delière, Marcel Diricq, Jean Deligne, Auguste Carlier, Aril Briffeuil, Marcel Buffe.
Prisonniers de Neufmaison
GODIN Valère
AMORY Joseph
MARTIN Georges
POTTIEZ Gaston
DEBIEVE Victor
BRIFFEUIL Aul
DELIGNE Marcel
BUFFE Marcel
LARTILER F.CLOQUETTE Marc
LOISELET Marcel
Chanson de notre stalag lointain (air sous le soleil marocain)
Premier couplet :
O mes bons amis
J'apprends à l'instant
Par le dernier pli
De mes chers parents
Que là-bas, chez vous
Vous songez à nous
Que votre amitié
Nous comprenons, au reçu du colis
Qu'à Neufmaison, on a de vrais amis
Refrain :
De notre stalag lointain
Je vous revois, ô ma terre chérie
Durant des jours sans fin
Ton souvenir berce ma nostalgie
Souvent entre copains
Nous évoquons le bonheur en famille
Et, chaque fois, je vante mon petit pat'lin
Dans notre stalag lointain
Deuxième couplet :
Dans les temps heureux
Votre société
Ne formait qu'un voeu
C'était d'amuser
Mais tous gens de coeur
Vous avez pensé
Que dans le malheur
C'est la charité
Qui devait être votre seul souci
La renaissance a droit à nos mercis (au refrain)
Troisième couplet :
Quand nous reviendrons à notre foyer
Nous nous grouperons
Tous à vos côtés
Il nous sera doux
En nous souvenant
D'être parmi vous
Comme auparavant
Votre beau geste viendra soulager
Les forces amères de la captivité
Sirault Neufmaison
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